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Claude Saunier

Claude Saunier
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9 juin 2007

Le trompe l'oeil du G8

Plongés que nous sommes dans la bataille des législatives, nous n'avons pu apprécier à sa juste valeur le premier G8 de Nicolas Sarkozy. Pour Claude Saunier, sénateur des Côtes d'Armor, "Sarkozy voulait marquer sa différence avec Chirac mais la continuité l'a emporté" : beaucoup de grands discours, beaucoup d'agitation, aucun engagement concret.
Le G8 devait être l’occasion pour les « grands » d’attaquer les maux de la Planète. Il fut d’abord une opération de communication vers les opinions publiques nationales, aussi bien pour Merkel, Bush que Poutine.

Sarkozy voulait marquer sa différence avec Chirac mais la continuité l’a emporté : grands discours et comédies médiatiques n’ont pu cacher la faiblesse de la France sur la scène internationale.

La réalité du bilan du G8 n’est pas à la hauteur de l’enthousiasme affiché par Sarkozy.

Certes, les chefs d’Etat du G8 ont annoncé une mobilisation financière en faveur des pays pauvres. Mais les chefs d’Etat Africains ont exprimé leurs doutes et regretté les insuffisances. Les ONG ne s’y trompent pas. Sur l’aide au développement, elles ont dénoncé la diminution des sommes allouées par les pays riches depuis les promesses de Johannesburg en 2002 et l’utilisation de ces aides à des fins stratégiques. La France participe à ce triste bilan.

Seconde avancée en trompe l’œil : le climat. Le G8 a affiché un compromis sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il y a là, de la part de Bush, une évolution théorique intéressante : il ne récuse plus le réchauffement et son origine humaine. Mais, là encore, les observateurs demeurent critiques : aucun seuil n’a été fixé, aucun outil d’intervention n’a été proposé. Ce flou des délibérations suffit apparemment à Sarkozy.

La contradiction entre les discours messianiques et les carences de l’action concrète réduisent à néant la crédibilité de notre pays.

Sur les questions environnementales la droite a gâché cinq années : poursuite des aides à l’agriculture intensive, retards permanents dans l’application des directives européennes, comme Natura 2000 et les OGM, mauvaise foi dans l’allocation des quotas d’émission de CO2, réformes vidées de tout contenu avec la loi sur l’eau ou la charte de l’environnement, coquilles vides…

Pourtant le temps presse. Le protocole de Kyoto ne suffit plus. Les mécanismes de marché qui l’inspirent ont montré leurs limites. Il faut revoir radicalement la copie, proposer une taxe carbone mondiale, intégrer les contraintes environnementales dans les règles du commerce international. Précisément, sur ces propositions concrètes, la France est lourdement silencieuse.

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7 juin 2007

En meeting à Niort : soutien à Geneviève Gaillard le 6 juin 2007

Je tiens à saluer
    Mr Alain MATHIEU, Maire d’AIFFRES
    Mr Floreal SANCHEZ, Maire de VOUILLE
    Geneviève GAILLARD et son suppléant Geoffroy MICHEL

Je veux aussi vous féliciter pour votre engagement citoyen.
Votre présence indique que contrairement aux sondages et à la campagne médiatique, les françaises et les français s’impliquent encore dans la vie politique à l’occasion de ces élections législatives qui ne sont pas jouées à l’avance comme on voudrait nous en persuader.

On vient de me présenter. Je prolonge cette présentation complaisante en tentant de répondre à une question que certains peuvent se poser ici ce soir :
pourquoi ce sénateur lointain vient-il chez nous, dans les Deux Sèvres ?

POURQUOI ? PAR AMITIE ET PAR CONVICTION

Par amitié et par engagement politique.
Par amitié d’abord.

Vous me permettrez quelques considérations personnelles avant d’entrer dans le cœur du débat politique.

Si je suis ici, c’est parce que Geneviève GAILLARD me l’a demandé et que je ne pouvais pas lui refuser.

Les circonstances de la vie professionnelle ont organisé notre rencontre il y a maintenant une bonne trentaine d’années à Saint Brieuc. Cette rencontre, au sein de la section socialiste de St Brieuc a créé des liens de camaraderie et des liens d’amitié.

La jeune femme de cette époque était
une jeune mère de famille
mais aussi une chercheuse de notoriété internationale,
dotée d’une intelligence vive,
de beaucoup d’humour,
d’un sens de la répartie corrosif,
et d’une grande générosité.

La politique active n’était pas alors sa priorité, l’engagement de son père suffisait à l’ensemble de la famille…

Nous nous sommes retrouvés quelques années plus tard. J’ai découvert alors que le virus politique continuait à se développer dans la famille GAILLARD et que Geneviève avait repris le flambeau de son illustre père.

C’est alors que Geneviève députée et moi sénateur nous avons constaté nos convergences politiques.

Elle et moi nous nous sommes engagés dans des combats difficiles au sein de la gauche de l’époque,
sur les dossiers de l’environnement,
du blanchiment d’argent,
de la mondialisation libérale.
Nous avons milité ensemble sur ces  dossiers en menant le combat symbolique en faveur de la taxe Tobin. 

De même, nous nous sommes retrouvés dans la démarche peu comprise de refondation de la gauche, et donc du PS, partageant la même analyse lucide, exigeante sur la rénovation nécessaire de notre Parti.

Ce qui nous unit c’est donc l’amitié, mais aussi le respect mutuel et le partage de valeurs communes.

Voilà pourquoi je ne pouvais refuser l’invitation de Geneviève,
Voilà pourquoi je suis très heureux d’être avec vous ce soir,
Voilà pourquoi je viens apporter une très modeste contribution à sa campagne

Ma présence n’est nullement un soutien indispensable à sa ré-élection.
Elle est ancrée dans cette terre,
elle a     fait ses preuves,
elle est appréciée,
et les résultats des présidentielles dans ce département, dans cette circonscription, préfigurent une nouvelle élection naturelle, même si, comme toujours, il faut se battre jusqu’au bout.

Pour ma part, je n’ai aucun doute sur le résultat. Ce qui me libère l’esprit pour évoquer l’autre raison de ma présence ici, l’engagement politique.

Je suis ici par amitié mais aussi par conviction.
Aujourd’hui certes, je suis sénateur, et je sais encore plus tout le mal que l’on dit habituellement du Sénat, souvent injustifié.
Je suis ici surtout comme militant, socialiste de la première heure, participant au débat politique, essayant, quelles que soient les circonstances, de convaincre de la pertinence des réponses de la gauche. Même si c’est difficile. Sans jamais renoncer.

LA SITUATION POLITIQUE

Quelle est la situation ?

Nous sortons de longs mois de campagne présidentielle.

Ce fut une campagne forte, qui mobilisa les électeurs, qui mit en évidence les lignes de clivage entre la vision de la gauche et la vision de la droite de la société.

Mais je regrette pour ma part que des questions majeures n’ont pas été abordées,
comme l’environnement,
les évolutions démographiques,
la mondialisation libérale,
les nouveaux outils de connaissance et d’information,

Je regrette pour ma part un débat étroit, hexagonal, peu ouvert sur la réalité du monde actuel.

LES RESULTATS

Quoi qu’il en soit, le débat a eu lieu.
Les choix ont été faits
Les résultats sont là.
La gauche a été défaite. Nettement.
C’est un échec.
Le 3° consécutif aux élections présidentielles.

Certes, on a évité le pire, l’élimination humiliante dès le premier tour.
Certes, la défaite est honorable, avec 17 millions de voix et 47% des suffrages.
Certes, la campagne de Ségolène ROYAL a été courageuse, innovante, prometteuse à bien des égards pour la refondation de la Gauche.

Mais les résultats sont là : Nous avons connu un nouvel échec, d’autant plus douloureux que les circonstances auraient pu, auraient du conduire à la victoire :
    Bilan calamiteux du gouvernement sortant
    Usure des hommes en place
    Rupture avec l’opinion sur des dossiers sensibles comme le CPE
    Règle de l’alternance des gouvernements observée depuis 1981..

La réalité de la situation politique actuelle est donc douloureuse mais claire :
La Droite a gagné les élections présidentielles
Une majorité de français a choisi la voie libérale
Mais une forte minorité, 47%, a aussi choisi une autre voie, celle du progrès partagé, celle de la solidarité, celle de la générosité, celle de la Gauche.

Maintenant, la question qui est posée pour ces législatives de Juin 2007 est simple.
Ces élections sont-elles une véritable consultation pour élire l’Assemblée Nationale ou une simple ratification des élections présidentielles ?

Il faudra bien, et le plus tôt sera le mieux, que la gauche analyse la réalité des résultats et identifie avec lucidité les causes multiples, complexes, de ce nouvel échec.

Déjà la pression médiatique pousse à la banalisation des législatives, présentées comme une simple formalité. Les articles, les analyses, les sondages, voire des, déclarations défaitistes contribuent à cette impression.

Et il est vrai que la campagne électorale est d’une grande tristesse, voire d’une grande indigence :
on ne dit rien,
on n’enrichit pas le débat,
on ne prend aucune initiative,
on laisse la pression médiatique installer dans les esprit cette évidence calamiteuse : semaine après semaine la droite se consolide, la gauche s’effondre, en un mot, la messe est dite.

REFUSER LE FATALISME

Pour ma part, je refuse ce fatalisme.
Non, la messe n’est pas dite
Non, les sondage, reflets d’une réalité fugace, peuvent être démentis
Oui les législatives sont une nouvelle bataille politique qui prolonge mais dépasse les Présidentielles,
Oui, une bataille politique n’est perdue que si on abandonne le combat

Si nous sommes rassemblés ici, autour de Geneviève GAILLARD, c’est précisément parce que nous continuons le combat.
Nous le continuons non pas comme des désespérados,
mais parce que nous pensons que les législatives sont un moment d’une histoire qui n’est pas terminée.
Parce que les législatives sont l’occasion pour 47% de français qui ont dit non au projet libéral de Sarkozy de continuer à peser sur la politique française des cinq prochaines années

La gauche a été battue, mais elle n’est pas morte.
Son devoir, notre devoir, c’est d’utiliser les législatives
pour continuer à peser,
établir un rapport de forces équilibré avec la droite.

LA QUESTION DU JOUR

La question qui se pose à chaque électrice, à chaque électeur de gauche est simple :
Le résultat des présidentielles, les décisions prises au cours des derniers jours sont ils de nature à changer le choix fait par 17 millions de français le 9 Mai ?

Peut-être pour quelques personnages intéressés par leur destin personnel, fascinés par les ors des palais de la république.
On a leur nom en tête.
Ils ne sont qu’une petite poignée. Les doigts d’une main.
Cela ne compte pas.

Ce qui compte, c’est l’avis des citoyens ordinaires, vous, moi, nous…

Un évènement est il intervenu qui puisse remettre en cause notre choix du 9 mai ?
Personnellement, je n’en vois pas.

Par contre, je vois bien les raisons qui consolident le choix de la gauche.

J’en vois trois principales. Elles constitueront la trame de mon propos.
1 : assurer la réalité de la vie démocratique dans notre pays
2 : dénoncer une politique néfaste aux intérêts de la France
3 : donner à la gauche les moyens de se reconstruire.

I - ASSURER LA REALITE DE LA VIE DEMOCRATIQUE DU PAYS

Abordant cette question de la vie publique, je refuse de lancer des formules rapides et excessives. Nous sommes dans une réflexion sérieuse.

Quelle est la réalité politique actuelle ?

Le Président de la république a été élu par 53% des français, soit un peu plus de la moitié. Personne ne conteste son élection.
Il se trouve que le premier personnage de l’Etat a, du fait des institutions de la V° république, des pouvoirs considérables.
Il se trouve aussi que l’évolution du cadre politique récent augmente la prééminence présidentielle avec le quinquennat et l’inversion du calendrier
De ce fait, le cœur du pouvoir est, plus que jamais, à l’Elysée.

A  ces données institutionnelles il faut ajouter les données conjoncturelles :

1 - la conception personnelle de Nicolas SARKOZY des institutions, sa lecture présidentialiste, illustrée dès son arrivée au pouvoir par son OPA sur les responsabilités gouvernementales
- C’est lui qui a composé le gouvernement
- Son premier ministre FILLON n’est qu’un chef de cabinet
- Il s’est emparé des dossiers les plus chauds
- Airbus avec son déplacement à Toulouse
- La fiscalité avec sa décision d’allégements fiscaux annoncée au Havre
- Le lancement du Grenelle de l’environnement avec la médiatisation de la rencontre avec les ONG
- le front social avec l’audition directe de tous les syndicats
- les initiatives humanitaires avec le dossier Ingrid BETTENCOURT
- le sort des victimes avec l’accueil de la famille d’une jeune femme assassinée à Nantes…..
On peut se demander si un gouvernement composé de ministres est véritablement nécessaire.

2 – Il faut aussi parler de la boulimie de pouvoir politique, affichée clairement par les principaux lieutenants du Président, dans la pure tradition de l’Etat RPR, avec pour objectif la volonté de couvrir la totalité de l’espace politique à l’Assemblée Nationale

3 – Encore plus inquiétant, ajoutons à ce tableau les liens personnels étroits entre le Président de la République, le pouvoir économique, les maîtres de la presse Minc, Lagardère, Bouygues et Bolloré.
Cette convergence de la politique, des affaires et de la presse évoque le système de Berlusconi. C’est un constat qui dépasse la formule polémique et ouvre la question de la vie démocratique.

Et c’est à partir de cette réalité qu’il faut apprécier l’enjeu institutionnel des législatives.

La question qui nous est posée est donc simple :
Alors que le Président dispose, du fait des institutions et de ses pratiques, d’un pouvoir déjà considérable, n’est il pas légitime, souhaitable, dans l’intérêt même de la démocratie, d’assurer à l’Assemblée Nationale une représentation juste et équilibrée de la moitié de la France ?
Représentant un peu plus de 50% des électeurs, un homme et son Parti peuvent ils revendiquer 100% du pouvoir, y compris législatif ?

Cet argument institutionnel n’est pas secondaire.
La caractéristique de la république, c’est l’équilibre des pouvoirs.
Le pouvoir législatif appartient au Parlement, c'est-à-dire à l’Assemblée Nationale et au Sénat.
Sur le Sénat, on connaît sa composition, image totalement déformée de la société française. La droite y est et y sera durablement hégémonique. Il ne reste donc que l’Assemblée Nationale pour assurer la représentation de la France réelle.
La question qui est donc posée aux électeurs est claire : il faut voter massivement à gauche pour préserver la démocratie et consolider la république.

Il n’est pas bon pour la république, il n’est pas sain pour la démocratie, que les pouvoirs soient concentrés entre les mains d’un seul parti, d’un seul clan, d’un seul homme.
Il serait politiquement dangereux que les 47% de français qui ont voté pour Ségolène ROYAL ne soient représentés que par un quart des députés.

C’est là une première, simple et forte raison qui doit nous mobiliser.

LA SECONDE RAISON : S’OPPOSER A LA POLITIQUE LIBERALE

Permettez-moi le rappel de quelques évidences :
N. SARKOZY a pris l’engagement de tenir ses promesses, et donc d’appliquer à la lettre sa politique libérale. Il annonce clairement sa volonté de transformer la société en brisant l’ensemble des systèmes de régulation sociale.

On peut lui faire confiance : il le fera si aucune opposition ne se manifeste au Parlement. Il est donc indispensable de lui faire barrage lors du choix des députés. Après, il sera trop tard, nous en prenons pour 5 ans !

J’ajoute cette interrogation : si nous ne sommes pas capables d’organiser cette opposition forte au sein du Parlement, les résistances et les volontés du corps social s’exprimeront ailleurs, par d’autres voies que le débat et le vote.
Ce n’est pas là une menace. C’est l’expression d’une inquiétude fondée sur l’expérience du passé.
Les « chambres introuvables » ont toujours conduit à des conflits politiques et sociaux majeurs.

S’organiser, se mobiliser pour construire une opposition puissante est donc aujourd’hui nécessaire.

POURQUOI CONSTRUIRE UNE OPPOSITION PUISSANTE ?

Pourquoi ?

Pour une première raison.

Nous, femmes et hommes de gauche, nous avons soutenu la candidature de Ségolène ROYAL dont le sens était résumé dans une très belle formule :
Plus juste, la France sera plus forte.

Nous n’allons pas reprendre la comparaison des programmes présidentiels.
Il suffit d’analyser les initiatives prises au cours de ces dernières semaines par SARKOZY.
Il faut lui reconnaître cette qualité : il fait, en effet, ce qu’il a promis.
Et il faut lui reconnaître cette habileté : il réussit , pour une part, à faire croire à l’opinion publique que ses mesures servent l’intérêt général alors qu’elles ne sont utiles qu’aux plus favorisés.

Je voudrais, avec vous, balayer rapidement cette politique engagée  par la Droite :
Politique injuste, Politique inefficace, Politique dangereuse.

POLITIQUE INJUSTE

Politique injuste, en effet.
D’un côté elle renforce les privilèges fiscaux des plus riches,
    Par le bouclier fiscal à 50%
    Par la réforme des droits de succession

De l’autre côté on s’en prend aux plus démunis
    Par la franchise médicale
    Par le déremboursement des médicaments
    Par la TVA sociale

Cette politique est d’une brutalité et d’une injustice caricaturales.
Ce qui est annoncé, et mis en place, c’est le cadeau de milliards d’euros supplémentaires aux bénéficiaires des plus hauts revenus
Et c’est, dans le même temps, une pression financière supplémentaire sur les ménages aux revenus les plus modestes.
J’ajoute, et ce n’est pas neutre, que les cadeaux fiscaux consentis aux uns devront, mécaniquement, être payés par les autres.

Notre société est déjà injuste.
Les inégalités se sont aggravées au cours des dernières décennies.
Et nous autres socialistes n’avons sans doute pas été assez vigilants lorsque nous étions en responsabilité gouvernementale.
Mais avec SARKOZY, ce qui est en marche c’est une véritable machine à creuser les inégalités.

POLITIQUE INEFFICACE

Politique injuste, mais aussi politique inefficace. Trois exemples :

1 - Ainsi, la récupération de 20% des intérêts d’emprunts immobiliers aura pour premier effet, selon les professionnels, de relancer la flambée des prix et la spéculation.
Elle ne répond en rien à la demande massive de logement des jeunes et des familles à faibles revenus.
Elle ne répond en rien à la crise du logement dont souffre le pays et qui génère les tensions sociales les plus lourdes.
C’est le premier exemple d’inefficacité.

2 - Second exemple. La détaxation des heures supplémentaires.
Il faut, là aussi, être clair.
C’est d’abord une machine de guerre contre le code du travail, contre l’emploi, contre le financement des régimes sociaux.
Cette mesure, contrairement aux annonces, n’aura aucun effet positif sur l’emploi.  Un chef d’entreprise choisira forcément les heures détaxées au détriment de la création d’emplois. Cette mesure va casser des emplois au lieu d’en créer.
Ajoutons que les salariés qui bénéficieront des heures supplémentaires détaxées amputeront leur retraite et l’ensemble de leurs droits sociaux
Enfin, pour couronner le tout, le dégrèvement augmentera le déficit des dispositifs sociaux.

3 - Troisième exemple d’inefficacité : l’aggravation de la dette publique.
La réduction de cette dette publique, abyssale, en effet, avait été quelques temps présentée comme prioritaire.
En réalité, l’ensemble des cadeaux fiscaux annoncés qui se chiffre en plusieurs dizaines de milliards d’euros, va aggraver la dette publique et le déficit des comptes sociaux.
Or, nous savons tous que la France vit aujourd’hui à crédit, que le remboursement de la dette est le premier poste du budget de l’Etat, et que nous avons l’obligation morale de ne pas laisser à nos enfants et petits enfants la charge de notre confort actuel.
Ajoutons que ces cadeaux fiscaux sont d’autant plus inefficaces que les émigrés fiscaux, ceux qui comme Johnny, naviguent entre Bruxelles, la Suisse et Monaco, confirment tous leur volonté de préserver leur exil doré. L’amour de la France sarkozienne, pour les grosses fortunes, a tout de même des limites…

POLITIQUE DANGEREUSE

Injuste et inefficace, la politique de Sarkozy est aussi dangereuse.

Elle est d’abord dangereuse par la concentration des pouvoirs entre les mains du nouveau président et de ses amis.
    FILLON n’est qu’un premier ministre de façade, la réalité du pouvoir est passée de Matignon à l’Elysée
    L’UMP est tenue en laisse par son ancien chef, qui en a supprimé la présidence et placé à sa tête son dévoué DEVEDJAN
    Et maintenant, l’équipe de SARKO affiche clairement son intention de dominer le Parlement aussi complètement que possible.

A ce danger politique s’ajoute le danger en matière de cohésion sociale.
On retrouve ici la marque de SARKOZY, l’homme au kärcher, l’homme qui a mis le feu aux banlieues.
La confusion moralement insoutenable entre immigration et identité nationale réunies au sein du Ministère confié à HORTEFEU porte, en germe, les dérives les plus graves.
L’annonce  d’objectifs chiffrés imposés aux forces de l’ordre pour multiplier les contrôles et les arrestations va marginaliser les communautés et les personnes en voie d’intégration, radicaliser les oppositions, dégrader encore plus les relations entre la population et sa police.
Le rapport, récemment et tardivement publié sur les relations entre la police et les habitants de la Seine Saint-Denis prouve que cette politique, conduite par l’ancien Ministre de l’Intérieur, est à la fois inefficace et dangereuse.
C’est pourtant cette politique, théorisée et systématisée par SARKOZY pour capter l’électorat d’extrême droite qui va maintenant se généraliser en prenant les risques les plus grands pour la cohésion nationale.

TROISIEME RAISON : l’ENJEU de la GAUCHE, l’AVENIR

Cette bataille législative est donc, dans ces circonstances, une bataille de Résistance.
Mais c’est aussi la 1ère étape de la reconquête pour la gauche.
Vous me permettrez quelques réflexions :

1 – La gauche est aujourd’hui, de fait, dans une situation de faiblesse historique.
Nous sommes satisfaits des 47 % de Ségolène ROYAL au 2nd tour, mais nous ne pouvons ignorer que le total de la gauche, au premier tour, culminait à 37 %, c’est-à-dire d’un des plus mauvais résultats de ces dernières décennies.

Ce désastre global de la gauche est certes lié à l’effondrement de l’extrême gauche et de la gauche alternative.
Mais cela nous place, nous autres socialistes, dans une situation de responsabilité particulière.

2 – Seconde observation. Après sa déroute de 1958, la gauche a su construire, avec François MITTERRAND, un projet, une stratégie qui lui ont permis la victoire du 10 mai 81, après 23 ans   d’« exil ».
Le dispositif qui a permis cette victoire a été mis au point dans les années 60 et 70. Il a été finalisé par Epinay en 1971.
C’était il y a plus de 30 ans !

Depuis, le monde, la science, l’économie, la société ont changé. Il est donc naturel de redéfinir un « nouveau logiciel » pour la gauche.
Dans quel esprit, selon quelle méthode ?

Vous me permettrez d’exprimer quelques pistes de réflexion.

1 – Cette refondation de la gauche, donc du PS, est non seulement nécessaire : indispensable
Si nous ne l’engageons pas, les échecs se succèderont, les rivalités de personnes nous affaibliront. Nous n’aurons aucune perspective sérieuse de victoire.

2 – Mais cette refondation ne peut être un simple ravalement de la façade. Il faut maintenant aller au fond des choses.
Il faut donc analyser avec lucidité le monde tel qu’il est, tel qu’il sera.
Il faut confronter cette réalité aux valeurs permanentes de la gauche ?
Il faut imaginer un projet de société qui ne puisse être confondu avec le projet libéral.
« Partir du réel pour aller vers l’idéal » selon la formule de Jaurès.

3 – Comment engager cette refondation nécessaire ?
    - certainement pas dans la précipitation. Il faudra du temps.
    - certainement pas avec des arrières pensées de places et de pouvoir interne, dérisoires face à nos responsabilités.
    - certainement pas dans la division : nous sommes tous responsables de la situation actuelle.
    - certainement pas dans la confusion idéologique en proposant des alliances de circonstance sans contenu politique.

Cette refondation, qui est le grand chantier des prochains mois et des prochaines années, passe par des étapes indispensables :

D’abord, analyser lucidement la réalité des élections depuis 2001 et la réalité de la situation politique actuelle, sans chercher à enjoliver cette réalité.
En second lieu, faire une lecture rigoureuse, scientifique, politique du monde actuel, façonné par le capitalisme financier mondialisé.
En troisième lieu, plonger dans les fondamentaux historiques et philosophiques de la gauche, redéfinir nos valeurs pour retrouver nos repères.
Pour éviter de nouveaux dérapages.

Ensuite, travailler sur les grands dossiers, ceux qui conditionnent l’avenir de nos sociétés
l’environnement et l’énergie,
les mutations démographiques de la planète et de nos vieux pays
les mécanismes nouveaux d’une économie mondialisée, obéissant au dogme libéral
les solidarités nouvelles à construire entre les individus et les nations face à l’individualisme
les conditions nouvelles d’accès au savoir
les formes nouvelles de démocratie à imaginer
l’articulation entre les sociétés et la science qui prépare notre avenir.

Lorsque nous serons au clair sur ces questions qui sont, en effet, incontournables, alors nous pourrons aborder le domaine plus étroitement politique des moyens

Quelles bases sociales pour cette nouvelle orientation ?
Quelles organisations de parti ?
Quelles alliances ?

Lorsque nous aurons clarifié nos positions, alors il sera temps de poser la question du pouvoir et du leader, car nous aurons besoin de tous

La tâche qui attend la gauche est donc considérable.
Nous l’accomplirons facilement si nous sortons consolidés de la bataille législative.

EN CONCLUSION

J’ai tenté, en quelques dizaines de minutes, d’apporter ma contribution à notre réflexion d’hommes et de femmes de gauche à quelques jours des législatives.
Je le répète. Nous avons au moins trois bonnes raisons de nous battre

D’abord, pour consolider le fonctionnement démocratique de la République par l’élection d’une opposition représentative
Ensuite, pour mieux combattre une politique libérale injuste, inefficace et dangereuse
Enfin, pour préparer la refondation de la gauche, préalable nécessaire à nos futures victoires.

J’ajouterai une quatrième et forte raison : vous avez la chance de pouvoir élire à l’Assemblée Nationale une femme de qualité. Profitez en !!
Votez donc, massivement pour Geneviève GAILLARD
Bon courage à toutes et à tous.
La Gauche est encore debout !!

25 mai 2007

Résister pour refonder

Le mot d’ordre s’impose. Il n’est nullement un aveu de faiblesse. Il appelle à une mobilisation nécessaire du peuple de gauche.
Mobilisation nécessaire, en effet, alors que les sondages et analyses de presse annoncent une nouvelle défaite. Non simplement pour « sauver les meubles » d’une gauche en perdition. Mais pour constituer à l’Assemblée Nationale un bloc de résistance face au rouleau compresseur de la politique libérale.
Le nouveau Président l’a annoncé : il fera ce qu’il a promis ! On peut lui faire confiance. S’il tient ses engagements, c’est, en effet, une autre société, une autre France qu’il va façonner, favorable aux puissants, impitoyable pour les plus faibles. C’est une « contre révolution libérale » qui attend le pays sous couvert de réformes.
Face au danger politique réel, il ne suffit pas pleurnicher. Il ne suffit pas de fermer les yeux sur la réalité : la nation a choisi la droite pour la troisième fois consécutive, lors du choix majeur, celui des présidentielles.
Il faut donc convaincre nos concitoyens de la nécessité d’une mobilisation de la gauche autour des ses candidat(e)s par une argumentation tirant sa force de l’évidence :
-Reconnaître la défaite de la gauche et s’engager, immédiatement, à en identifier les causes sans tabous, avec lucidité et courage ;
-Expliquer l’enjeu démocratique d’une élection législative qui ne doit pas accroître les pouvoirs déjà exorbitants d’un président boulimique.
-Dénoncer avec fermeté et intelligence les apparences trompeuses de l’ouverture et la réalité brutale des choix libéraux.
-S’engager à ouvrir –enfin- le chantier de le refondation, celle de notre parti et celle de la gauche. Car le peuple de gauche n’a pas disparu. En témoignent les 47% qui ont choisi Ségolène Royal. Mais il est en attente de repères. Il espère qu’un nouvel horizon se dessine. La gauche a été jusqu’au terme d’un cycle de conquête et d’action ouvert par François Mitterrand il y a plus de trente ans. Sans rien renier du passé, il faut maintenant décrypter la réalité du monde actuel, de ses enjeux, de ses attentes, afin d’écrire un projet qui permette de reconquérir la confiance qui nous a été refusée.
Annoncer clairement une volonté collective de refondation radicale, c’est aujourd’hui le meilleur argument pour convaincre le peuple de gauche de résister aujourd’hui pour reconstruire demain.

21 mai 2007

Science et société : le paradoxe contemporain

Les sociétés ont souvent des difficultés à percevoir elles-mêmes leurs propres caractéristiques. Cette perception passe en effet par un effort d’abstraction, de recul, de prise de distance, de regard extérieur. Nous n’échappons pas à cette difficulté. Elle doit pourtant être surmontée pour mieux percevoir les fondamentaux du milieu dans lequel nous vivons, et que, militants de gauche, nous voulons comprendre pour mieux transformer.

Après avoir évoqué la permanence historique de l’interrogation de l’homme sur la science, nous allons tenter de cerner l’impact de la science et de la technologie sur la société actuelle. Retenons en première approche ce constat simple : notre société est très profondément le produit de la science et de la technologie.

Nous ne reprendrons que pour mémoire la distinction formelle entre les deux : la science produit la connaissance, la technologie débouche sur l’application, mais les deux sont, dans les faits, étroitement liées comme en témoignent de multiples exemples historiques, y compris les plus récents, avec l’itinéraire de recherches de Georges CHARPAK, qui, partant de manipulations d’appareils, a     fait progresser la connaissance des particules élémentaires  de la matière, alors que les études fondamentales sur les molécules de Gilles De GENNES ont permis de comprendre le mécanisme de la colle, en apparence si simple…

Nous n’évoquerons aussi, que pour mémoire, cette donnée qui structure la pensée historique contemporaine : le lien, déterminant, dans tous les sens du terme, unissant les civilisations et leurs techniques. Rappelons ces repères sommaires qui jalonnent les livres de notre enfance : la préhistoire, le feu, les outils de pierre puis de métal ; le néolithique et l’agriculture ; le moyen âge et les moulins ; les temps nouveaux de la renaissance, le boussole et le gouvernail ; les temps modernes, la machine à vapeur, les métiers à tisser automatiques et la métallurgie…

Cette vision, globalement juste, reconnaissant à la science un rôle déterminant dans l’histoire de l’humanité doit être cependant corrigée. Les connaissances et les techniques, seules, ne déterminent pas le devenir des sociétés. Elles n’agissent que dans un contexte. Les moulins à eau étaient connus des romains qui n’ont pas, pour autant, supprimé l’esclavage…D’autres facteurs, puissants, structurent l’histoire : la religion, la politique, l’organisation des sociétés qui en découlent. En témoigne l’histoire de grands empires qui, souvent se sont confondus avec de grandes civilisations originales : les empires égyptien, chinois, romain, précolombien, arabe, indien, se sont structurés à partir de fondamentaux scientifiques parfois communs, souvent différents, et ont tissé leur histoire sur d’autres forces que celles de la connaissance et de la technique. Les religions, les organisations sociales, les cultures, l’ordre politique, voire les événements et les personnalités jouent aussi un rôle dans la structuration de l’histoire. Mais, même si elle n’en est pas le moteur unique, il est évident que la science est l’un des principaux facteurs de l’histoire. Cette pluralité est d’ailleurs heureuse. Elle ouvre un espace de liberté et d’initiative aux hommes et aux femmes. Elle brise un déterminisme qui pourrait conduire au désespoir. Les guerres du Viet Nam et d’Afghanistan témoignent que la supériorité technologique peut se briser sur les volontés politiques.

La « fluidité » des sciences et des sociétés, illustration de la complexité de leurs relations, s’exprime dans l’appropriation de techniques communes par des sociétés différentes. Ainsi, actuellement, les mêmes techniques de communication, télévision, portables, internet, sont utilisées sur l’ensemble de la planète. Elles sont « digérées » par des sociétés différentes, aux cultures les plus diverses. La Chine est le premier producteur d’ordinateurs et le premier consommateur de portables. Pékin compte autant de téléphones mobiles que d’habitants. Mais cette diffusion planétaire des techniques a des effets divers sur les sociétés. Certaines structurent en effet, modèlent les sociétés qui les adoptent : la diffusion de l’automobile modifie l’organisation des transports, donc de l’espace, et explique largement la concentration urbaine des populations sur l’ensemble de la planète. Des usages identiques façonnent et nivellent les comportements. Il n’est pas certain que l’utilisation réelle des téléphones mobiles soit de même nature en Europe, en Afrique et en Chine. De même, la diffusion planétaire du média majeur de notre époque, la télévision, ne bouleverse pas, en apparence, les réseaux familiaux africains ou asiatiques et ne supprime pas les croyances. Les temples continuent à être de lieux de recueillement au bord des autoroutes de Bangkok comme au pied des tours de Shanghaï.

Au-delà de ces nuances, il n’en demeure pas moins que, pour tout observateur qui prend un recul suffisant, la science, en effet, façonne notre planète.
- L’espace est contracté par la révolution des transports.
- Le temps est bousculé par les NTIC qui suppriment la durée par la transmission instantanée et élargissent la mémoire par l’immensité des archives numériques
- Les fondamentaux de la vie sont approchés, ouvrant des espérances et posant des lourds problèmes éthiques
- Les outils de transformation ou de fabrication de la matière sont esquissés.
Une approche rapide pourrait faire croire que, par ses connaissances,  l’homme approche le pouvoir des dieux.

Le choc de la science sur les sociétés est donc incontestable. Il est particulièrement évident sur la civilisation occidentale moderne qui est, pour une large part, fille de la science, comme le Moyen Age était fils de la religion. Pour qui en douterait, il suffirait de survoler le quotidien d’un humain occidental du XXI° siècle pour s’en convaincre : son habitat, sa nourriture, son travail, ses déplacements, ses loisirs, son information, son instruction, sa santé, mais aussi son environnement rural ou urbain, sont le produit direct ou indirect de la science. Celle-ci a donc façonné, structuré l’ensemble de nos références individuelles ou collectives. Le caractère global de son intervention sur notre mode de vie est patent. Comme est évidente la rapidité, voire la brutalité des mutations imposées par les évolutions techniques. On balance alors entre prodige et vertige. Prodige, car, globalement les apports de la science ont apporté d’immenses progrès à l’humanité. La mort et la douleur reculent. La démocratie et la liberté s’élargissent. Nous vivons aujourd’hui une situation de bien être inimaginable aux yeux des générations passées qui percevraient notre époque comme un véritable âge d’or. Il conviendra de préciser plus loin la réalité de ces apports et d’apprécier lucidement le bilan de la science contemporaine. Néanmoins, pour nos ancêtres, la notion aujourd’hui archaïque de « progrès » aurait toute sa pertinence. Le paradoxe, c’est que, de notre point de vue, la « belle époque » c’était hier, et que demain nous fait peur.

Tenter de comprendre la liaison paradoxale de la science et de la société conduit à poser la question de la rupture de confiance de notre société envers une science à qui elle doit tout.

Cette rupture n’est pas nouvelle. C’est même une constante. Sans remonter au Moyen Age et aux procès en sorcellerie, l’histoire apporte de multiples exemples de cette méfiance. L’histoire de Copernic et le procès de Galilée constituent des références. Au siècle des lumières, Parmentier a eu les plus grandes difficultés à faire admettre l’intérêt de la culture de la pomme de terre. Le XIX° siècle nous apporte de multiples exemples de rupture de l’opinion vis-à-vis de l’innovation. Les premiers voyages en chemin de fer étaient accusés de multiples effets nocifs sur la santé, y compris par des esprits éminents. L’innovation  appliquée au champ industriel suscita les plus vives résistances comme en témoigne le mouvement luddiste. L’illustration la plus éclairante de résistances sociales est fournie par l’histoire de Pasteur qui eut les plus grandes difficultés à faire admettre la pertinence de ses découvertes qui, il est vrai, constituaient une véritable rupture. Les découvertes scientifiques n’ont donc  jamais été admises facilement par les sociétés dans la mesure où, par nature, elles introduisent des ruptures de la pensée et donc une remise en cause de l’ordre ancien.

La fin du XIX° siècle, avec la « belle époque », fut une période apaisée, de ce point de vue. Elle bascula même dans « l’illusion scientiste ». Tout paraissait possible à l’esprit humain. L’œuvre de Jules Vernes, pénétrée de cet optimisme, en témoigne, ainsi que les discours politiques ou les prophéties des scientifiques les plus éminents et, souvent, les plus respectables, comme Marcellin Berthelot. L’idéologie dominante était fondée sur la conviction que la science apporterait des réponses à toutes les questions et qu’elle assurerait le bonheur de l’humanité. Il est vrai que les découvertes scientifiques et techniques se traduisaient par des avancées majeures avec des applications concrètes qui transformaient la vie quotidienne. La fée électricité était, à juste titre, célébrée. Le moteur à explosion annonçait la révolution des transports. La maîtrise des ondes radio électriques débouchait sur la magie de la TSF. La saisie des images en mouvement, par le cinéma, reproduisait l’apparence de la vie. Tout semblait possible. Tout était possible. C’était le temps des « années folles ».

Mais déjà, au cœur de l’euphorique confiance, s’introduisait un doute issu de la barbarie de la première guerre mondiale qui avait montré le visage d’une science engagée au service de la mort avec les tanks, les gaz, les avions bombardiers. Cette première fracture dans la façade de la confiance aveugle envers la science s’élargit par l’utilisation de la science par le totalitarisme, fasciste, nazi ou communiste. Ces interrogations s’exprimèrent dans le domaine culturel avec des œuvres comme les « temps modernes » de Chaplin, « Guernica » de Picasso et des mouvements de contestation radicale comme Dada et le surréalisme. Néanmoins, le mythe du progrès né de la science demeurait vivace, dominant, inspirant l’œuvre de Léger et, très globalement, la vision du Front Populaire éclairé par le modèle de la «grande aventure » communiste. 

Après le temps de la confiance aveugle, puis celui des premières interrogations, est venu le temps de la rupture.
Cette rupture a été progressive. Les années cinquante ont été encore largement marquées par le mythe de l’an 2000 et des promesses d’une science toute puissante et bienfaitrice. Une interrogation, annonciatrice de questionnements plus radicaux, émergea du choc politique et moral d’Hiroshima. Pour la première foi l’opinion publique devait reconnaître ce fait nouveau et terrifiant : la science pouvait être un instrument de mort massif.  Les trente glorieuses ont rapidement effacé ces interrogations. Elles renouvelèrent le mythe du progrès scientifique porté par la prospérité et des applications spectaculaires largement diffusées. C’était le temps de la télévision, des autos modernes, des avions rapides et de grande taille, des TGV et des ordinateurs. Le mythe du progrès pouvait se développer par la conjonction de la prospérité économique et de l’application de la science aux objets quotidiens. On mesure ici le lien qui uni les événements et leur contexte.

Ce lien explique le regard nouveau, négatif, porté par notre société sur la science. La crise de confiance dans l’avenir économique, qui est l’une des marques de l’opinion publique en France actuellement, explique largement le regard interrogatif, voire critique, porté aujourd’hui sur la science. Il est vrai que la science a elle-même donné quelques prétextes à cette crise de confiance qui est la marque des sociétés européennes. Plusieurs crises, au cours des dernières décennies, ont provoqué la rupture entre les citoyens et les savants.

La première, dont on vient de célébrer le vingtième anniversaire, a été l’accident nucléaire de Tchernobyl, qui a relayé et amplifié la terreur inspirée par Hiroshima en 1945. Le traitement très « politique » de la communication, aussi bien en URSS qu’en France, sur cet accident majeur, relayé ou appuyé maladroitement par certaines autorités scientifiques a suscité à juste titre une méfiance vis-à-vis du « complexe politico scientifique » et altéré profondément la confiance envers les corps et institutions qui doivent la vérité aux citoyens. Ni la politique ni la science ne sont sorties grandies de cette affaire pitoyable en France, dramatique pour la population de l’Europe orientale.

La seconde grande crise qui a accentué la rupture est celle du sang contaminé. Ce fut, pour l’opinion, une crise majeure dans la mesure où elle mettait en cause la médecine, discipline scientifique supposée au service de la vie, qui, en la circonstance, fut un instrument de mort au travers du produit hautement chargé de sens, le sang…

La crise de la vache folle, plusieurs années plus tard, constitua une sorte de piqûre de rappel, aggravant la rupture. En effet, là aussi un secteur de la science, supposé « sanctifié », à savoir la médecine, était mis en cause. Plus exactement, ce qui pouvait être reproché c’est l’absence de vigilance quant à des pratiques plus que douteuses de la filière agro alimentaire. Là aussi, l’accident scientifique était d’autant plus vivement perçu qu’il touchait à un produit particulièrement sensible : un aliment, qui dans le tréfonds de la conscience, renvoie aux fondamentaux de la vie, voire du sacré. Cette sensibilisation extrême de l’opinion publique fut accentuée par l’impression de flou générée par la communication scientifique et provoqua l’expression de fantasmes multiples expliqués par l’horreur des effets humains de la maladie de la vache folle. Il est vrai, pour décharger clairement la responsabilité de la communauté scientifique, que celle-ci se trouva face à une donne radicalement nouvelle, avec la découverte d’un agent pathogène d’un nouveau type, le prion, et qu’il est difficile à la société de demander au savant une capacité d’anticipation sur tous les fléaux qui peuvent résulter de pratiques humaines détestables.

D’autres crises, multiples, et d’importances diverses, ont, mois après mois, entretenu ce climat de méfiance, voire de défiance, des citoyens vis-à-vis de la science. La dioxyde, l’amiante, Seveso etc…, autant d’accidents économiques de tonalité technologique ont entretenu le climat délétère. L’idole que la société occidentale reverrait depuis des décennies était décidément tombée de son piédestal. Il semble indispensable de souligner que le procès fait à la science s’appuya sur des erreurs qui ne lui sont pas toujours imputables, souvent liées à des pratiques économiques contestables. Mais le fait est que l’idole est tombée parce que le contexte socio-économique de déprime généralisée préparait et amplifiait la procédure de divorce.

Si le contexte a provoqué une lecture totalement négative d’accidents technologiques stigmatisant la science, un second élément explique la rupture : l’accélération du temps. Nous retrouvons ici une nouvelle illustration  de cette articulation étroite de la science et de la société. Plus précisément, on ne peut comprendre les causes de la rupture actuelle sans mettre en perspective le rythme des découvertes scientifiques et des mutations technologiques. Or, l’une des principales caractéristiques de l’histoire contemporaine est l’accélération prodigieuse du « temps des découvertes ».  Il fallut à l’humanité des dizaines, voire des centaines de milliers d’années pour découvrir et maîtriser les techniques de base qui, pour une part, la distinguent du reste du règne animal, les outils et le feu. Il lui fallut des milliers d’années pour domestiquer les animaux puis inventer l’agriculture, passant de ce fait du nomadisme à la sédentarisation. Plusieurs siècles furent ensuite nécessaires pour assurer la diffusion de nouvelles pratiques et techniques agricoles, qui, de fait, modifiaient en profondeur la société. Si l’on s’en tient au XIX° siècle, plusieurs générations furent nécessaires pour « digérer » une avancée technologique majeure comme la machine à vapeur appliquée au transport. Plus tard, c’est une génération entière qui se donna le temps d’utiliser la radio ou le téléphone. Mais, après la seconde guerre mondiale, le temps des découvertes s’est accéléré. Chaque génération dut assumer seule plusieurs ruptures technologiques. Dans leur vie professionnelle ou quotidienne, nos contemporains ont du subir et maîtriser deux ou trois mutations majeures. Dans les secteurs les plus innovants, comme les nouvelles technologies, le rythme des changements est encore plus rapide, tous les deux ou trois ans. La « loi de Moore », qui constate depuis trente ans la vitesse de progression de la puissance des processeurs impose un rythme vertigineux : leur capacité de calcul double tous les 18 mois, voire davantage.  Ce rythme forcené entraîne derrière lui une foule de conséquences dans le domaine industriel, et, par voie de conséquence, dans la vie professionnelle et quotidienne. Cette accélération du temps de l’innovation scientifique pose la question de la capacité d’intégration personnelle ou collective des mutations. Il faut donc évoquer les tensions générées par la rencontre de temps différents qui ne parviennent pas spontanément à s’harmoniser : le temps scientifique n’est pas le temps psychologique ni le temps social. Il entre en conflit avec la durée d’adaptation nécessaire aux personnes et aux sociétés pour faire face aux nouvelles données. Cette discordance des temps est un facteur de vertige, de trouble des consciences et de rupture de la confiance.

Au-delà du constat, et de la tentative d’explication des faits, il faut aussi mesurer les conséquences  de la perte de confiance de la société contemporaine envers la science et les apprécier à leur juste mesure, car cette rupture est le révélateur d’une perte de repères et de perspectives qui caractérise aujourd’hui une société en crise et en attente de sens.

Au plan moral, la perte de confiance dans la science traduit sans doute une insatisfaction, le sentiment d’une frustration voire d’une trahison par rapport à des promesses non tenues. Elle conduit à l’illusion passéiste du paradis perdu, aux rêves douteux du « new age », à la crainte irraisonnée d’un avenir chargé de menaces, à l’abandon des valeurs du progrès, à la montée de l’irrationnel sous toutes ses formes, à un relativisme général et, au total, à une attitude d’abandon à une fatalité douloureuse.

Au plan social, l’accélération du  temps scientifique perçu, vécu, utilisé ou subi différemment par les individus et les groupes, est un élément supplémentaire de fractionnement de la société, générant une coupure entre ceux qui peuvent suivre cette accélération du temps scientifique et ceux qui ne le peuvent pas. La fracture sociale se nourrit aussi de la fracture scientifique par les différentes aptitudes à s’informer, à se former, à s’adapter dans le champ professionnel. Les inégalités qui traversent notre société se nourrissent et s’aggravent face à l’accélération du temps scientifique. Malheur à ceux qui décrochent. Ce risque de fracture vaut à l’intérieur des sociétés et entre les nations.

Ce double constat appelle trois questions.

D’abord, au plan politique, la perte de confiance dans la science constitue un facteur aggravant de la coupure avec les élites. C’est, d’une certaine façon, la traduction moderne de la faillite des « clercs », la sanction de leur incapacité à assumer l’une de leur fonction, la diffusion du savoir. Cette coupure entre « ceux qui savent » et « ceux qui ne savent pas » participe à la coupure du peuple et de ses élites. Elle illustre le caractère fragile, voire illusoire, des démocraties traditionnelles. Elle peut avoir des sanctions politiques, comme en témoigne le vote du 29 Mai 2005. Elle pose, de façon générale, la question de la place des savants dans la société et de leur positionnement dans le processus démocratique.

En second lieu, cette réflexion sur l’affaiblissement de la science dans la société débouche sur un relativisme scientifique qui contribue à l’effacement des repères et des valeurs. Précisons qu’il ne s’agit nullement de souhaiter le retour à un déterminisme qui a prouvé qu’il conduisait à des impasses scientifiques douloureuses, voire dramatiques. C’est donc l’occasion de préciser ce que la science peut apporter, ce qu’une société peut en attendre, en admettant que la science n’a pas de réponse à tout, qu’elle n’est pas certitude absolue, qu’elle doit être un instrument de décision pour les individus comme pour les sociétés, mais qu’elle ne doit jamais prendre le pouvoir. Elle est un instrument de la liberté. Elle ne doit pas devenir un maître, sauf à courir le risque majeur d’un totalitarisme terrifiant. Au moment où l’on constate que l’idole est tombée de son piédestal, il convient de la remettre, au sein de la société, à sa juste place en méditant sur la formule qui a toute son actualité : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Enfin, surgit dans cette réflexion sur la science, la question de la société sans risque, de la vie sans risque, et indirectement, du sens de la vie. La pression sociale, emportée par une vague d’inquiétude parfois justifiée et parfois irraisonnée, a conduit il y a quelques mois à inscrire le principe de précaution dans la Constitution. C’est une démarche quelque peu illusoire qui confère au politique un pouvoir qu’il ne peut avoir. Plus profondément, cette initiative politique récente, à la fois prétentieuse et quelque peu démagogique, ouvre le dialogue de la science et de la morale, voire de la métaphysique. Quel sens donnons-nous à la vie ? La science ne peut répondre à cette question. Là aussi, il faut la remettre à sa place. Positivement. En lui reconnaissant la capacité de nous éclairer aussi sur des questions essentiellement personnelles mais fondamentales.

En conclusion très provisoire, cette réflexion sur le paradoxe contemporain d’une science à la fois plus que jamais puissante et considérablement affaiblie pose davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Mais elle conduit au moins à une certitude : la nécessité de repenser la place de la science dans la société et de faire de cette question une véritable question politique.

14 février 2007

Microsoft au Sénat

Le 13 février 2007, au nom du Président du Sénat, j'accueillais le directeur de Microsoft France au Palais du Luxembourg pour une journée de travail sur l'innovation. Voici les mots que j'ai prononcés à cette occasion :

"Monsieur le Directeur de Microsoft France,
Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite, au nom du Président PONCELET, la bienvenue au Sénat.

Je suis heureux que le Sénat accorde pour quelques heures les « ors de la République » à MICROSOFT, l’un des fleurons de l’économie mondiale, pour une très belle initiative, au service de l’économie française.
Je souhaite vous convaincre que, au-delà du décor, le Sénat qui vous accueille n’est pas la maison de retraite que l’on dit trop rapidement. C’est d’abord et avant tout, un lieu de travail, de réflexion et d’initiatives économiques. En témoigne de multiples manifestations :

le festival du livre économique
des colloques consacrés à de grandes questions économiques
le soutien à l’innovation avec Tremplin Sénat
l’organisation de séjours en immersion des sénateurs, dans les entreprises
les groupes de travail permanents sur l’OMC, la prospective économique
les missions parlementaires spécifiques
les travaux de l’OPECST (auditions publiques, rapports)

La particularité du Sénat, c’est d’aborder ces questions avec recul et de prendre la hauteur nécessaire à la perception des grands enjeux.

Quels sont les défis principaux de notre société ?

J’en cite quelques uns qui me semblent conditionner notre avenir :
Le défi démographique avec le vieillissement de la population
Le défi démocratique avec le renouvellement des nouvelles formes de participation citoyenne
Le défi de l’information et de l’accès à la connaissance avec le pouvoir des mass média
Le terrible défi de l’environnement avec la double crise de l’énergie et du réchauffement climatique
Le défi de la sécurité qui doit être étroitement conjugué avec la liberté individuelle
Le défi de la mondialisation avec les chocs titanesques des géants économiques, firmes ou pays.

Face à ces défis, de lourdes questions se posent à un pays comme le nôtre.
Déclin ou sursaut ?

Quelques alertes rouges s’allument :
    . dette publique
    . déficit historique du commerce extérieur

Il faut espérer que le grand rendez-vous électoral des Présidentielles permettra à la nation de percevoir avec lucidité  ces défis, ces enjeux, et de choisir avec courage le bon chemin.

Les questions qui nous sont posées n’ont pas de réponses simples.

Il faudra agir sur de multiples leviers : fiscaux, législatifs, réglementaires
Il faudra aborder avec courage des réformes profondes
Il faudra trouver les mots et les mesures pour redynamiser notre société
Il faudra de la justice dans le partage des efforts
Il faudra de la confiance dans notre jeunesse

Mais quels que soient les choix faits par la nation, nous devons utiliser le levier fabuleux de l’innovation.

L’innovation, clef de l’avenir, ce n’est pas une formule magique, ce n’est pas un slogan, c’est, pour une société comme la nôtre, une nécessité vitale.

La démarche d’innovation n’a pas de limite : elle s’applique à tous les champs de nos activités : vie quotidienne, santé, loisirs, culture et, bien entendu, création professionnelle, à l’industrie, à l’agriculture comme au commerce et aux services.

Cette conviction de l’impérieuse nécessité de développer l’innovation me conduit naturellement à saluer l’initiative de MICROSOFT  FRANCE

Chacun connaît, dans le monde entier, le rôle de MICROSOFT dans l’innovation et cela depuis 30 ans, avec le succès que l’on sait.

Je veux saluer ici la démarche originale que porte MICROSOFT FRANCE avec le Programme IDEES.

Vous-même et votre équipe, Monsieur le Directeur, avez eu l’intelligence de comprendre que, dans le domaine foisonnant de l’industrie du logiciel, l’innovation ne pouvait être portée par une seule entreprise, aussi forte et prestigieuse fut-elle.

Vous avez eu l’intelligence de comprendre qu’il était de votre intérêt, et peut-être de votre devoir, de favoriser l’innovation en soutenant le développement de start up et de PME du secteur industriel du logiciel.

Nous savons que cette branche industrielle est, en France, particulièrement dynamique, avec des réussites éclatantes.

Nous savons que l’industrie du logiciel est un moteur de croissance.

Nous savons aussi que ce secteur est particulièrement soumis à la double nécessité de l’invention permanente et de la compétition internationale.

Nous savons que la France a de réels atouts avec ses écoles d’ingénieurs, ses laboratoires de recherche, je pense en particulier à l’INRIA avec lequel MICROSOFT a établi un partenariat particulier.

Nous savons qu’un second souffle doit être trouvé face au dynamisme de nouveaux pays.

C’est pour ces raisons que je souligne votre contribution exemplaire à l’économie de l’immatériel qui est l’une des voies prometteuses pour affronter les défis de demain. Votre démarche de parrainage doit être connue et reconnue.

Félicitations à toutes et à tous
Bon vent
Et bonne journée de travail au Sénat."

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13 janvier 2007

Qui suis-je ? Pourquoi ce blog ?

Bonjour,

Je suis Claude Saunier, Sénateur socialiste des Côtes d'Armor, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ancien maire de Saint-Brieuc.

senatAu Sénat, je travaille sur les questions de mondialisation, de recherche scientifique, de développement durable et d'énergie.
Je suis notamment l'auteur de plusieurs rapports, dont le dernier sur la transition énergétique et le changement climatique.
A venir : la biodiversité, les nanotechnologies.

ps
Au Parti socialiste, lors du congrès du Mans en 2005, je me suis retrouvé dans le courant "Pour un nouveau parti socialiste", qui a porté les espoirs de renouvellement de notre famille politique.

En ouvrant ce blog, je souhaite dialoguer avec ceux qui portent un intérêt à la refondation de la gauche et qui souhaitent contribuer aux débats d'idées sur la régulation de l'économie, sur nos modes de production et de consommation, sur la place de la science, etc.

C'est pourquoi je mets en ligne quelques-unes de mes réflexions sur ces sujets. N'hésitez pas à me contacter.

A bientôt,

Claude Saunier

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Claude Saunier
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